Aujourd’hui, plusieurs ONG ont révélé une recrudescence de la violence faite aux femmes en Turquie. Chaque jour cinq femmes sont tuées par leurs proches et un incident de violence domestique est enregistré toutes les dix minutes. Les meurtres de femmes ont augmenté de 1400% depuis l’arrivée au pouvoir en 2002 du parti AKP (Adalet ve Kalkınma Partisi ou Parti pour la justice et le développement).
Si des progrès avaient pu être perçus ces dernières années, en raison notamment des réformes successives du Code pénal et de la famille ayant renforcé le droit des femmes turques, plusieurs défaillances dans l’application de la loi par les autorités ont été rapportées.
La police et les procureurs sont en effet accusés de ne pas prendre les femmes au sérieux. Lorsqu’elles viennent après avoir été battues, violentées, la police hésite à intervenir et conseille fréquemment aux femmes de retourner chez elles. Dans la même veine, les juges sont réticents à délivrer des ordonnances de protection et lorsque cela s’avère être enfin le cas, elles ne sont pas appliquées.
Les ONG et personnalités turques militantes pour les droits des femmes, telles que Meriç Eyüboglu, avocate, mettent directement en cause la politique du parti islamo-conservateur (AKP) au pouvoir et son désintérêt pour les violences faites aux femmes: «Les valeurs religieuses et le conservatisme croissant en tant qu’approche politique et idéologique exigent le contrôle des femmes et de leur corps.».
Sous contrôle du parti AKP, le système judiciaire turc est accuse de renforcer les inégalités hommes-femmes et d’encourager la violence envers les femmes en s’abstenant de sanctionner les crimes commis à l’égard de ces dernières. Un exemple flagrant de cette impunité est la décision rendue le 31 octobre 2011 par la Cour d’appel suprême de Turquie, qui a eu l’audace de reconnaitre le consentement d’une fillette kurde de 13 ans lors d’un rapport sexuel avec 26 hommes, alors que celle-ci avait clairement affirmé avoir été retenue de force. Parmi les hommes se trouvaient le directeur adjoint de l’école primaire, deux officiers de gendarmerie, le maire…tous ont été condamnés a des peines dérisoires, allant de 1 à 6 ans de prison.
Cette décision a provoqué un véritable tollé au sein de l’opinion publique turque. Fatma Sahin, Ministre des Politiques sociales et familiales, a qualifié cette décision d’”inacceptable et inquiétante“. La vérification du consentement d’un enfant ne devrait même pas être envisagée, celui-ci étant considéré comme incapable de comprendre la signification et les conséquences de ses actes.
Hier, à l’occasion de la journée internationale de la femme, le Parlement turc a voté une loi visant à augmenter la protection des femmes contre la violence domestique. Celle-ci prévoit la création de centres de surveillance dans plusieurs villes, une assistance médicale gratuite pour les victimes, ainsi que la possibilité pour un juge d’émettre un ordre de protection sans demande préalable de preuve de violence. Si l’on ne peut que saluer ce vote, plusieurs organisations féministes ont cependant mis en avant l’absence d’éducation et de sensibilisation de la société turque concernant la violence envers les femmes. Reste désormais à voir la façon dont la loi sera appliquée. La Turquie, candidate à l’Union Européenne, ne peut se permettre d’être dotée d’un système judiciaire ne garantissant pas une meilleure protection des jeunes filles et des femmes.